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Maîtrise technique, échappées d’aléas,
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et lieux de non-choix.
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Lorsqu’on se trouve devant les œuvres sur papier de Joséphine de Saint Seine, on est devant une présence tangible qui nous échappe et nous revient en lecture comme une étrangeté familière… Nous reconnaissons des fleurs, des bulbes, des végétaux, même si nous ne pouvons y mettre un nom savant ou vulgaire dessus. Le dessin est à la fois précis et irisé dans les fibres du papier. La technique nous interroge : une approche de la gravure peut-être ? Nous n’en sommes pas loin puisqu’il s’agit d’estampes, mais à un seul exemplaire. La technique utilisée est celle du monotype qui se réalise le plus souvent ainsi : sur une plaque de verre un dessin est tracé à la peinture à l’huile, sur cette peinture est posée une feuille de papier que l’on applique en lissant fortement par dessus. Une certaine quantité de peinture va se reporter sur le papier en créant des manques par endroit et donner une image inversée qui va se singulariser de l’original peint sur la vitre. Ici, le procédé est un peu différent : sur le mur l’artiste enduit une surface de bitume de Judée, sur laquelle elle applique sa feuille de papier. Et c’est en dessinant au dos de celle-ci que le marquage du dessin s’imprime au recto. C’est quelque part un travail « à l’aveugle », car le jeu, pourrait-on dire, se situe entre la maîtrise du dessin et l’échappée d’aléas graphiques. Lorsque le dessin est détaché de son support de bitume, la révélation de l’acte graphique apparaît alors. Celui-ci peut réjouir par son résultat ou au contraire décevoir. C’est cette partie, qui, en échappant à l’auteur d’un monotype, inviterait au désir du faire. Cette technique est aussi celle de son amie d’atelier, Ghislaine Giordano qui la pratiquait déjà. Comme toujours dans les ateliers communs, les savoirs s’échangent, les idées se partagent : il y a de la diffusion, de l’imprégnation, du contact ; trois mots que l’on pourrait associer, comme par hasard, à la pratique du monotype ! Mais si la même technique signale une proximité visuelle, leur projet artistique reste distancié et personnels.
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Joséphine de Saint Seine utilise des vieux plans de dessins techniques comme support à ses empreintes de végétaux dessinés. Cette écriture codifiée que l’on peut lire sur chaque plans répond à des règles, à une rigueur d’exactitude, car le plan technique est destiné à une réalisation fonctionnelle. La combinaison des deux graphismes —technique, et aléatoire—, peut s’ouvrir sur ces notions de couples : raison/passion, nature/culture, inné/acquis… Mais ce serait rester dans une opposition simpliste, et rigide, car, qui a vu et analysé des coupes de fleurs, peut témoigner de l’organisation géométrique étourdissante qui s’opère dans la construction végétale. Regardez la structure de la fleur d’un tournesol, et prenez un compas.
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Mais est-ce cette relation que l’artiste veut nous signifier ? Ou veut-elle nous faire percevoir la séparation qui existe entre l’orthogonalité des traits du plan technique et les courbes, volutes et linéaments des plantes ? Une dichotomie qui proposerait paradoxalement la séparation comme deux complémentaires, pour une re-union de fait ? Ou bien voudrait-elle que l’on joue avec l’idée de « plan » et de « plant » ? Car qu’est-ce qu’un plan, si ce n’est une mise en projet d’une élévation à venir ; et le plant n’est-il pas aussi le lieu d’une promesse de l’élévation de la plante à venir ? Les deux mots porteraient en eux l’attente phantasmée de l’éclosion d’une réalité projetée. Alors, immédiatement, vient se signaler à nouveau la technique du monotype, car celle-ci oblige aussi l’attente, puisqu’elle met le présent de l’inscription graphique en devenir de réalisation, laquelle sera révélée lors du décollage de la feuille sur le bitume de Judée.
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Nous devrons noter aussi que ces dessins de couleur brune jouent leur partition plastique avec, ici ou là, un accompagnement coloré jouant comme un halo lumineux, un écho vaporeux, une sorte d’aura donnée au dessin…
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Mais la couleur n’est pas peinture. Pourtant, il y a ici un interstice, un état latent, entre le désir de dessiner et celui de peindre. Elle le dit : « J’ai toujours eu un intérêt pour le graphisme. La série des Pylônes électriques de 1999 en témoigne, mais tout le travail du dessin passait derrière la peinture. » Le dessin, qui s’écrivait dessein jusqu’au XVIIIème siècle, sous-tend l’idée d’un projet : celui de devenir Peinture. Les poncifs dessinés qui étaient reportés sur la toile, étaient destinés à accueillir la couleur et la peinture, et donc à s’effacer devant elles.
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On sait que Matisse a déclaré la présence simultanée de la couleur et du dessin dans un geste, en découpant une forme dans un papier coloré. Dans les peintures de Joséphine de Saint Seine, peinture et dessin cohabitent mais ni simultanément, ni séparément. On y voit de fortes surfaces colorées, en grande partie d’un rouge cadmium écarlate qui accompagne l’artiste dans ses nombreux voyages plastiques aux thèmes divers : paysages, villes, portraits… Dans la toile Figuerole la picturalité est visible dans la touche, les jus superposés, et les coulures dues à la pression du pinceau et de la consistance aqueuse de l’acrylique. C’est une peinture « éclatante » au sens propre du mot (qui se manifeste avec évidence, intensité, éclat, qui frappe le regard), comme l’est aussi la toile xxxxx. Sa peinture ne creuse pas le tableau. Il n’y a pas de perspective atmosphérique, il n’y a pas de modelé, tout au plus quelques modulations colorées. La planéité de la surface est toujours matérialisée. L’écriture des formes semble acérée, comme dessinée par la pointe d’un outil radical. De quoi nous parle alors cette insistance graphique ? Du dessin ! De sa présence affirmée qui cohabite, partage et participe d’un espace pictural, celui du tableau qui est devenu le lieu d’un non-choix. Un non choix qui n’est pas la conséquence d’une hésitation due à la difficulté qu’on aurait à choisir, ni celle de la difficulté à éliminer, non, un non choix comme propos décisif, postulé. Une revendication de cette existence partagée également : le dessin et la peinture comme deux moteurs à l’œuvre dans l’œuvre.
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Bernard Muntaner
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Mars 2010
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